Samedi, à travers une trentaine de villes anglaises des milliers de citoyens ont manifesté pour montrer leur désaccord, face à la suspension parlementaire érigée par le gouvernement. L’interruption prend fin deux semaines seulement avant la date butoir du Brexit, rendant les négociations compliquées. La décision est vécue pour certains comme un « abus de pouvoir » qui met à mal la démocratie du pays.
Le Royaume-Uni savait que sa sortie de l’Union Européenne serait compliquée. Pour autant, aujourd’hui c’est le pays lui-même qui se retrouve en crise. Jeunes et moins jeunes ont manifesté samedi dans diverses villes anglaises pour dénoncer la décision du gouvernement anglais. « Je n’étais pas sûr que ces manifestations seraient prises au sérieux ou que les points de vue exprimés soient écoutés et pris en compte. Mais la meilleure chose à faire était de voir combien d’autres personnes partagent la mêne colère et résistent à la fatigue du chaos. C’était bien d’entendre scander «stop le coup d’état» envers le Premier ministre« , explique, Fletch qui à manifester à Leeds. Cette doctorante à la London School of Economics and Political Science (LSE) est citoyenne d’Irlande et du Royaume-Uni elle espère que les manifestations vont renforcer le travail de certains députés qui tentent de mettre fin à l’issue d’un non-accord. La démocratie doit ainsi être protégée. Cette idée est partagée par Sasha, présidente du syndicat étudiant de l’Université de Kent (Canterbury) « Il s’agit de ce qui est juste, protéger les droits des générations présentes et futures« , ajoute t-elle.
Autre que les grands rassemblements de samedi, des rencontres continuent de s’organiser. Chaque soir, il y a des rassemblements sur une place à côté du Parlement. Camilla, 27 ans et originaire du nord-est de l’Angleterre y prend part. Les membres du gouvernement « doivent savoir que nous n’accepterons pas la prorogation du Parlement, que vous soyez pour ou contre le Brexit, il s’agit d’un abus de pouvoir total et du déni de démocratie parlementaire » dénonce t-elle.
Le chef du gouvernement, Boris Johnson est mis en porte-à-faux suite à sa décision. »Il veut sortir le Royaume-Uni de l’UE à tout prix, même si cela signifie quitter sans accord. Il est même prêt à le faire en suspendant le Parlement et suspend effectivement notre démocratie elle-même. En plus de cela, nous avons des partis d’opposition prêts à renverser le gouvernement pour qu’il n’arrête aucun accord« , explique, James. Le jeune londonien de 25 ans tient à souligner que le pays se situe actuellement dans une « crise constitutionnelle et dans une impasse politique« .
« Notre gouvernement est aussi divisé que notre pays »
« Il est choquant que le Royaume-Uni soit tombé si rapidement dans une situation dans laquelle le gouvernement pense pouvoir suspendre le Parlement et déclarer qu’il pourrait ignorer les nouvelles lois spécialement conçues pour mettre un terme au non-accord. Il est vraiment inquiétant de penser qu’un gouvernement pense pouvoir prendre des décisions aussi importantes sans mandat, ce qui modifiera irrévocablement la constitution du Royaume-Uni, sa position internationale et, ce qui est le plus important, la vie des gens« , s’inquiète Fletch. La doctorante de la London School of Economics and Political Science (LSE) rajoute avec inquiétude et sidération « Le Royaume-Uni ne devrait pas être un endroit où les politiciens peuvent jouer leurs fantasmes de Game of Thrones. Mais pour l’instant, cela semble être ce qu’il est« . La décision du gouvernement Johnson met bien en lumière les problèmes de la politique du pays.
Le « deal » ou d’un « no-deal » divise au sein du gouvernement . »Certains membres du gouvernement veulent quitter l’UE sans aucun accord, d’autres veulent seulement partir avec un accord et d’autres ne veulent pas partir du tout. Le résultat est que personne ne sait ce qui va se passer ensuite, ce qui est particulièrement préjudiciable pour les entreprises qui ont besoin d’une clarification urgente du Brexit pour pouvoir se préparer » , explique, James.
De même, la situation montre une division au sein de la population qui s’est installée depuis le debut du scrutin en 2016. Mais Sasha, de l’Université de Kent (Canterbury) s’inquiète de l’avenir des étudiants. Elle estime que le Brexit et la situation actuelle pénalisent les études de nombreux jeunes. « Le Brexit aura de graves conséquences sur l’enseignement supérieur au Royaume-Uni, avec des restrictions de mouvement et la capacité de travailler au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens. Un Brexit sans compromis retirera de nombreuses opportunités aux étudiants et aux universitaires« . Cela va notamment concerner les voyages en Europe, les semestre d’études à l’étranger (Erasmus) ou encore le droit du travail au sein d’un pays européen. Ces inquiétudes poussent certains à souhaiter une seconde consultation citoyenne sur le départ du pays de l’Union Européenne.
Vers un second référendum ?
Face à la situation actuelle, quelle solution? La semaine reste cruciale pour le parlement qui sera interrompu à partir de la fin de la semaine jusqu’au 14 octobre. Une bataille se joue entre le parlement et le gouvernement. Du côté de la population certains évoquent un second référendum ou encore la chute du gouvernement. Camilla évoque les deux solutions. Au sein de son entourage, l’avis est partagé. « Un autre gouvernement doit être mis en place, j’ai des amis qui ont voté pour rester dans l’UE mais ils estiment que le probable meilleur résultat serait un Brexit sans transaction pour démontrer la gravité de ce qui se passe. Mais personnellement, je pense qu’un deuxième référendum serait un moyen moins dramatique d’atteindre les mêmes objectifs.
James partage lui-aussi l’idée d’une nouvelle consultation citoyenne pour le futur accord. Mais il ne cache pas sa lassitude face à la situation. » Je préférerais que nous n’ayons pas quitté l’UE, j’ai voté pour y rester. Cependant, je suis prêt à accepter le résultat du référendum tant que nous aurons un accord« . Il souhaite également que son pays et l’UE se rencontrent à nouveau pour parvenir à un accord qui serait par la suite adopté par le parlement britannique. Cette option il l’attend « pour que tout le monde reprenne sa vie. J’en ai tellement marre et je suis énervé que cela continue. Je veux juste que ce soit résolu« . Le jeune homme comme beaucoup d’autres souhaitent donc une fin rapide de cette crise, puisqu’il estime notamment que trop de thématiques sont laissées de côté comme les affaires environnementales ou les services publics, au profit du Brexit.