Face à la crise migratoire européenne des millions de personnes sont entassées dans des camps de fortune. Certains estiment que le sport peut constituer un vecteur d’intégration et offrir un meilleur cadre de vie pour ces exilés. Yoga and Sport for Refugees s’est fixé cette mission. L’équipe de jeunes européens propose diverses activités sportives aux réfugiés de Lesbos. Rencontre.
“Montrer que nous sommes tous égaux, tous humains via le sport”. Telle est l’idée que souhaite transmettre Estelle, une jeune française de 28 ans, à travers la création d’une ONG sportive pour les réfugiés. Depuis deux ans, avec une équipe de jeunes européens, elle co-dirige Yoga and Sport for Refugees. Inspirée par l’équipe olympique de réfugiés, lancée à l’occasion des Jeux de RIO de 2016, l’objectif de la girondine était d’aller encore plus loin. “Je voulais développer un programme accessible à tous et pas seulement à l’élite”. Son engagement solidaire est apparu lors de ses premiers pas de volontaire à Lesbos, lors de l’été 2017. Le temps de la saison, elle avait endossé le rôle de professeur de natation tout en pratiquant d’autres disciplines sportives avec des réfugiés comme le taekwondo ou le fitness. “J’avais vécu plus de trois mois au contact de personnes ayant fui leur pays, et je voyais que ce qui les rendait heureux et épanouis, c’était le sport”, ajoute-t-elle. De retour en France, l’idée mûrit. Elle cherche des organisations spécialisées dans le sport pour réfugiés et, en l’absence de structures répondant à ses attentes, se décide à aller de l’avant, regroupe plusieurs jeunes européens et fonde son ONG en octobre 2017.
Diversité humaine et sportive
L’été dernier, l’ONG comptait une trentaine de membres, dont 15 bénévoles sur place et 10 professeurs réfugiés. D’autres travaillent à distance, depuis leur domicile, via les réseaux sociaux. Très présente sur Facebook, Instagram, l’ONG partage ses cours, ses moments forts ce qui lui permet d’élargir son réseau. Originaire des Pays-Bas, Nina a entendu parler de Yoga and Sport for Refugees en lisant un magazine de running hollandais. “Quand je l’ai lu, cela semblait être une combinaison parfaite. D’un côté, aider les gens et de l’autre, faire ce que j’aime le plus, courir”, explique t-elle. La jeune femme de 24 ans a commencé à la rentrée un Master spécialisé sur les conflits à Gent, en Belgique. L’expérience de terrain à Lesbos lui semblait important pour débuter ses études. Elle ne le regrette pas.
Chaque membre apporte, par ses expériences sportives, sa pièce à l’édifice. Une multitude d’activités sportives est alors proposée: divers arts martiaux (boxe, kung fu, taekwondo …), football, basketball, course à pieds. Il y en a pour tous les goûts. L’ONG dispose d’une sorte de studio de Yoga, mis à disposition par un centre communautaire, “One Happy Family”. Cet été, quatre cours de Yoga étaient proposés quotidiennement aux femmes, ainsi que de l’Afro house dance. La natation fait également partie des disciplines importantes. C’est l’activité favorite de Flora, bénévole française originaire de Vendée. “Même si on était considéré comme des “profs” de natation. Les demandeurs d’asile nous appelaient “teacher”« , sourit- elle. La jeune femme de 29 ans tient à souligner “le but principal était qu’ils puissent se sentir à l’aise dans l’eau et l’appréhender comme une alliée, ce qui n’est évidemment pas toujours simple quand on sait qu’une grande partie des demandeurs d’asile arrivent à Lesbos sur des bateaux gonflables…”. En supplément des cours de sports, activistes et exilés ont participé ensemble à des événements sportifs sur l’île comme sur le contient. Mi-novembre, l’équipe de coureurs a participé au marathon d’Athènes. Les volontaires de l’ONG estiment que le sport est bénéfique pour les réfugiés. Grâce aux activités, certains ont confié à la créatrice de l’ONG avoir arrêté de fumer ou de boire.
“Cet endroit est à la fois le plus bel endroit sur terre et le pire”
L’île de Lesbos est désormais réputée comme “l’île aux migrants”. Au pic de la crise en 2015, plus de 1 000 personnes débarquaient quotidiennement. Aujourd’hui, les arrivées diminuent, mais ne s’arrêtent pas. Les camps tels que celui de Moria font face à une situation plus que critique, du fait de la surpopulation et de conditions de vie humaines. Yoga and Sport for Refugees y propose des cours d’autodéfense, une manière de concilier une certaine protection et une ouverture sur les autres pour ces exilés. “Quelques jours de vie au sein de cet espace suffisent à devenir fou”, explique, désabusée, Estelle. La volonté des membres de l’ONG est d’éloigner ces exilés du désespoir des camps dans lequel ils vivent et “d’améliorer leur bien-être physique et mental”, explique le co-directeur de l’organisation Nike. Les images de la crise en 2015 l’ont marqué, il a voulu agir à sa manière en s’engageant à travers le sport. Tout comme cette autre bénévole, Summer, jeune anglaise de 22 ans pleinement consciente de la situation qu’elle allait découvrir sur place. “Je savais que cela n’allait pas être agréable, mais ce que je ne savais pas, c’était l’ampleur de l’environnement hostile créé par le gouvernement grec et les habitants”. Son ressenti est appuyé par Flora. “J’avais lu des articles décrivant les conditions dans lesquels les demandeurs d’asile étaient reçus, mais le fait d’en être témoin permet de mesurer vraiment l’importance de la crise humanitaire actuelle à Lesvos, en Grèce comme en Europe. Il est urgent pour l’Europe de réagir et de traiter avec dignité et compassion ces gens qui fuient des situations dramatiques”.
Yoga and Sport for Refugees souhaite s’étendre à davantage de camps en Grèce. Cet expansion apporterait au plus grand nombre la possibilité de participer à ces activités sportives. Même si, Rick ajoute que “le véritable rêve serait que nous n’ayons plus besoin d’exister car le système et la situation seraient suffisamment satisfaisants pour que les ONG n’aient plus à fournir de tels services aux dizaines de milliers de personnes bloquées”. Cette année, plus de 45 000 personnes ont accostées sur les côtes grecques. Le rêve de l’ONG est donc encore bien loin d’être exaucé.
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